Entretien avec Fae Johnstone, militante pour les jeunes 2SLGBTQ+

Photo produite par Fae Johnstone

Fae Johnstone (elle/iel) est une défenseure des jeunes que vous devriez connaître. Elle est basée sur un territoire algonquin non cédé et non soumis (Ottawa, Ontario) et porte de nombreux chapeaux – comme beaucoup de jeunes agent.e.s de changement. Animée par la passion de soutenir les jeunes 2SLGBTQ+ et les jeunes aux prises avec des problèmes de santé mentale, Fae travaille comme conférencière, consultante, éducatrice et organisatrice communautaire. Elle est la directrice générale de Wisdom2Action, un cabinet de conseil détenu et géré par des personnes 2SLGBTQ+ vouées à l’engagement communautaire, la mobilisation des connaissances, la recherche et l’inclusion des 2SLGBTQ+. Wisdom2Action se concentre sur la défense des droits des 2SLGBTQ+ en utilisant les ressources et les plateformes disponibles pour inscrire des questions importantes à l’ordre du jour fédéral ou provincial – comme l’interdiction de la thérapie de conversion ou l’avancement de la législation sur la santé des personnes trans. Nous avons discuté avec Fae de ce que les jeunes aux identités de genre marginalisées ont besoin des organisations, et de la façon dont les organisations peuvent soutenir les jeunes des communautés 2SLGBTQ+.

Que pensez-vous que les organisations et les institutions peuvent faire pour engager de manière significative les jeunes aux identités de genre marginalisées?

Je pense que c’est la question parfaite qu’elles devraient se poser en premier. L’inclusion des 2SLGBTQ+ est un large spectre, et les organisations doivent commencer par un apprentissage interne et un travail sur la culture. Je pense que le renforcement des capacités internes est essentiel. Il s’agit donc de revoir les politiques et les procédures, de créer des politiques claires concernant l’utilisation des salles de bain, afin que les personnes aux identités de genre diverses sachent qu’elles peuvent accéder à la salle de bain qui leur convient le mieux. Introduire des changements pratiques dans votre façon de fonctionner au quotidien : demander aux gens leur pronom, ou avoir des affiches qui invitent les gens à révéler leur pronom. On ne peut jamais garantir une expérience inclusive à tout le monde : les gens feront des erreurs, et nous devons éviter de faire des promesses que nous ne pourrons pas tenir. Mais vous pouvez arriver à un point où quelqu’un qui entre dans votre espace a toutes les chances d’avoir une bonne expérience avec un fournisseur de services ou une personne de l’administration qui est capable de l’inclure. À partir de là, il faut s’engager réellement auprès des communautés, et c’est la deuxième partie intégrante qui échappe souvent aux gens. Ils et elles font un peu de travail interne, mais il s’agit aussi de relations et de renforcement communautaire. Cela signifie que nous devrions consulter les personnes ayant une expérience vécue, afin de comprendre comment nous pouvons mieux répondre à leurs besoins, et vous pouvez le faire en vous adressant aux organisations communautaires locales 2SLGBTQ+. Ensuite, créez des structures qui facilitent cette évolution – pas une conversation ponctuelle, mais l’ajout de personnes issues de la diversité des sexes dans vos conseils d’administration, la création de conseils consultatifs et de comités rémunérés auxquels les jeunes issus de la diversité des sexes peuvent siéger et participer à des activités telles que l’examen des politiques et l’élaboration de stratégies internes. Les jeunes aux diverses identités de genres se rendent dans de nombreux services et ne vivent pas de bonnes expériences, et les organisations locales 2SLGBTQ+ le savent. Une façon de répondre aux besoins des communautés est d’aller dans les endroits où elles ont déjà confiance et de démontrer que vous êtes un endroit auquel elles peuvent faire confiance.

Quelles sont les erreurs commises par les organisations lorsqu’elles essaient d’impliquer les jeunes, en particulier les personnes qui ont des identités qui se recoupent?  

Elles promettent souvent la sécurité, et je pense que c’est une action vraiment complexe à entreprendre pour elles. C’est en partie une façon de rassurer les gens en leur disant : « Nous sommes un service social et nous sommes là pour aider ». Mais si vous dites cela, vous devez vous y tenir, et cela signifie que vous devez être en mesure de garantir raisonnablement une expérience inclusive. Faire une promesse est donc la première erreur. La seconde est que les organisations oublient l’histoire des préjudices. Tous les jeunes transgenres qui arrivent dans ces espaces savent que les services sociaux et de santé n’ont souvent pas été bons avec les transgenres. Les organisations ne réalisent pas que nous allons être un peu plus à cran dès le départ parce que nous savons que la sécurité n’est pas garantie. Donc vous devez y aller avec un point de vue traumatique. Cela signifie qu’il faut reconnaître que l’histoire de ces préjudices influence notre compréhension actuelle du genre et de la sexualité dans notre monde. Une autre erreur consiste à organiser un atelier unique – une conversation ponctuelle sur le genre et la sexualité. Cela peut être un bon point de départ, mais les organisations ont également besoin de formations d’une journée entière, d’un changement de politique, d’un soutien à la mise en œuvre et d’un travail sur la culture. Il existe des nuances dans les différents types de service, qui sont rarement explorées dans la plupart des formations dispensées par les organisations. Dans un atelier ponctuel, les gens reçoivent des concepts comme les pronoms, mais ils et elles ne sont pas soutenus pour mettre ces concepts en pratique. Nous avons besoin de la mise en œuvre – pas seulement du partage des pratiques, mais du processus de leur mise en place. 


Une grande partie de votre travail se concentre sur les enjeux liés à la santé mentale. Comment les organisations peuvent-elles soutenir utilement la santé mentale des jeunes? 

D’un côté, tout travail de justice favorise la santé mentale. En prenant position en faveur de l’inclusion et en renforçant la capacité de votre organisation à être inclusive, vous promouvez et soutenez la santé mentale. D’autre part, demandez-vous ce que votre organisation peut faire plus concrètement. Assurez-vous qu’en tant que lieu de travail, vous donnez l’exemple d’un environnement de travail sain en ne surchargeant pas votre personnel, en vous assurant que les gens ont des connaissances et des compétences en matière de premiers soins de santé mentale, en abordant la question de la stigmatisation, et certaines de ces questions. Plus généralement, nous avons besoin de plus de services, nous avons désespérément besoin de plus de groupes de soutien et de groupes de pairs qui répondent à des identités différentes. Nous devons faire en sorte que les jeunes puissent se rendre dans un seul endroit et obtenir tout ce dont ils et elles ont besoin. La santé mentale est liée à la classe sociale, à la race et au genre. Les gens n’ont donc pas besoin d’une seule chose, mais souvent de plusieurs, comme une aide au logement et un soutien en matière de santé mentale. Trouver des moyens de se connecter nous permet de mieux servir les gens, et permet aux jeunes qui arrivent avec des problèmes de santé mentale et qui ont besoin d’un soutien ciblé d’accéder à ces services. Demandez-vous donc comment centrer les soins sur les besoins des jeunes, plutôt que sur la façon dont vous avez l’habitude de travailler.

Cette entrevue a été éditée et condensée pour plus de clarté.

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